De la Cour suprême indienne
« La France ne peut-elle pas en finir avec l’agonie du Clemenceau en le rapatriant ? » G. Thyagarajan, président de la commission spéciale de la Cour suprême indienne
06 février 2006
Paris, France - Alors que la commission spéciale de la Cour suprême chargée de donner un avis sur le Clemenceau a conclu ses délibérations sans en communiquer les résultats publiquement, la France n’aurait toujours pas été en capacité de remettre un inventaire des substances toxiques à bord du Clemenceau a déclaré ce matin le président de la Commission, G. Thyagarajan. Avant d’ajouter « La France ne peut-elle pas en finir avec l’agonie du Clemenceau en le rapatriant ? » (« Can’t France end its agony by taking it back ? »)
Deux raisons justifient cette incapacité :
1. aucun inventaire n’a jamais été effectué sur le Clemenceau ;
2. deux experts indépendants ont confirmé les estimations de Technopure sur les quantités d’amiante présentes sur le Clemenceau (entre 500 et 1000 tonnes), rendant impossible pour l’Etat français de justifier leur chiffre de 45 tonnes.
« L’Etat français et SDI ont sciemment organisé un chantier de désamiantage cosmétique et imposé des contraintes économiques et techniques à leur sous-traitant Technopure rendant de fait impossible un désamiantage à 90%, comme le proclamait le ministère de la défense, déclare Annie Thébaud-Mony, porte-parole de Ban Asbestos. Technopure a néanmoins assumé toutes ses responsabilités en répondant aux instances indiennes (Supreme Court Monitoring Committee) et en rompant de ce fait le silence ».
« La rébellion des syndicats indiens contre ce qu’ils considèrent comme un empoisonnement volontaire, l’enquête de la Commission européenne sur la violation du droit européen et la convergence des expertises sur les quantités d’amiante mettent l’Etat français dans les cordes, ajoute Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France. Le Président de la République doit prendre acte de la situation et rompre un silence peu compréhensible. La mobilisation de l’opinion publique française et indienne ainsi que des syndicats de travailleurs, notamment lors de la prochaine visite du Président en Inde, doit sonner comme un réveil au Palais de l’Elysée ! ».
Deux experts indépendants confirment : entre 500 et 1000 tonnes d’amiante sur le Clemenceau
03 février 2006
Paris, France - Devant l’urgence qu’une expertise indépendante étudie de façon détaillée les informations techniques et les données relatives à la présence de produits toxiques à bord du Clemenceau, les organisations Andeva, Ban Asbestos, le comité anti-amiante Jussieu, la Fidh et Greenpeace ont commandité deux évaluations indépendantes auprès de deux experts reconnus internationalement pour leur compétence sur le sujet. Leurs conclusions confirment que l’estimation de 500 à 1000 tonnes d’amiante est « vraisemblable » et que d’autres substances toxiques, comme les PCB, se trouveraient à bord en grandes quantités.
Le premier rapport, produit par Paul Röder, ingénieur conseil « amiante », est une analyse critique des documents fournis par Technopure dans le cadre des auditions organisées à New Delhi le 20 janvier par le comité spécial de la Cour Suprême et que les associations ont pu se procurer. En plus de souligner qu’ « après lecture des documents fournis, il y a de fortes présomptions que les travaux ne se sont pas déroulés suivant les règlements, normes et règles de l’art applicables en France », Paul Röder conclut « la note Technopure du 7 mars 2005 estime le poids des matériaux contenant de l’amiante demeurant à bord entre 500 et 1000 tonnes, chiffre vraisemblable ».
Le second rapport, produit par Aage Bjorn Andersen, un des principaux experts mondiaux sur le sujet, est une simulation de l’inventaire des produits toxiques à bord du Clemenceau. Ses estimations se fondent sur les mêmes documents produits par Technopure, ainsi que sur des navires identifiés représentatifs pour lesquels des données complètes sont disponibles, et enfin sur son expérience internationale en matière d’inventaire. Ses conclusions sont sans appel : il estime à 760 tonnes la quantité d’amiante (non compris le retrait de 70 tonnes par Technopure) et entre 165 et 330 tonnes les quantités d’autres substances dangereuses (PCB notamment (1)) à bord du Clemenceau.
« Il n’existe plus de doutes sur l’ampleur des quantités de substances dangereuses à bord du Clemenceau. Les deux experts estiment vraisemblable la présence d’amiante entre 500 et 1000 tonnes : c’est de 10 à 20 fois la quantité communiquée par l’Etat français ! On se trouve soit dans l’incompétence, soit dans le mensonge » déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France. « On comprend mieux l’énergie du ministère de la défense à bloquer toute expertise indépendante ! ».
« Les chiffres accablants de ces rapports justifient les très vives réactions des syndicats indiens et l’opposition des opinions publiques française et indienne au désamiantage et au démantèlement à Alang, et dans ces conditions, du Clemenceau » ajoute Annie Thébaud-Mony, porte-parole de Ban Asbestos.
« Le rapport d’expertise des documents de Technopure rédigé par Paul Röder montre que le chantier de désamiantage effectué à Toulon s’est déroulé dans des conditions roccambolesques : un maître d’œuvre sans compétence, un contrôleur avec 14 heures de formation (!) et une entreprise de désamiantage qui a travaillé à la va-vite, presque rien enlevé et probablement pollué tout le navire. On est loin du chantier exemplaire vanté par le ministère de la défense et le pire est malheureusement certain si le navire arrive en Inde » déclare Michel Parigot, porte parole d’Andeva et du Comité anti-amiante Jussieu.
« Le gouvernement français s’est décrédibilisé sur ce dossier. Il est impératif que le Président de la République, directement interpellé il y a deux semaines, prenne ses responsabilités et fasse revenir le Clemenceau en France pour y être désamianté. La valeur des Droits de l’Homme ne peut être indexée sur le prix de l’acier » conclut Sidiki Kaba, président de la FIDH.
Note :
(1) - Polychlorobiphényls, cancérogène contenu notamment dans des solides comme les câbles électriques et les peintures, classé comme substance dangereuse par la Convention de Bâle.
Victoire de la justice contre l’Etat : le TGI refuse la loi du silence sur le Clemenceau
02 février 2006
Versailles, France - Alors que le Tribunal de Grande Instance de Versailles a décidé de ne pas donner suite à la demande de l’Etat français de suspendre la procédure d’expertise indépendante de l’amiante à bord du Clemenceau, ce sont toutes les pièces de la stratégie française qui s’écroulent les unes après les autres.
La stratégie du silence d’abord. Depuis plus d’un an, l’Etat français a mis toute son énergie à bloquer les procédures juridiques permettant d’en savoir plus sur les quantités de produits toxiques à bord du Clemenceau, seule manière de justifier un impossible chiffre de 45 tonnes d’amiante restante. Le TGI vient de sonner le glas de la dictature du silence.
La stratégie de l’exception juridique ensuite. C’est maintenant la Commission européenne qui enquête sur le dossier Clemenceau et menace la France de saisine de la Cour européenne de justice, la soupçonnant de violer les directives européennes sur le transport des déchets dangereux, qui traduisent dans le droit européen les règles de la Convention de Bâle.
La stratégie du mépris des travailleurs indiens enfin, sur le mode « un sale boulot vaut mieux que pas de boulot du tout ». Dans une conférence de presse tenue aujourd’hui, les syndicats indiens (All India Trade Union Congress -AITUC-, Centre of Indian Trade Unions -CITU- et New Trade Union Initiative -NTUI) ont annoncé le lancement d’une campagne de mobilisation pour stopper l’entrée du Clemenceau dans les eaux territoriales indiennes qui pourrait atteindre son apogée lors de la visite du Président Chirac en Inde dans moins de trois semaines (visite du 19 et 20 février). Les déclarations des syndicats indiens sont extrêmement dures et condamnent l’arrogance et les mensonges de l’Etat français. Ils ont plaidé pour la décontamination du Clemenceau en France.
« La stratégie française menée par le ministère de la défense au nom de l’Etat français tourne à la déroute. Les pièces d’une stratégie improvisée, niant le droit européen -et donc français- et le droit international, méprisant la fierté des travailleurs indiens et sous-estimant incroyablement la capacité de l’opinion publique française et indienne à refuser l’inacceptable, tombent l’une après l’autre. Encore combien de temps le Président de la République laissera-t-il la France se crédibiliser et se ridiculiser ? » s’interrogent les porte-parole d’Andeva, Ban Asbestos, Comité anti-amiante Jussieu et Greenpeace.
Ci-après : les principales citations des organisations syndicales indiennes :
Le All India Trade Union Congress (AITUC), le Centre of Indian Trade Unions (CITU) et le New Trade Union Initiative (NTUI), les principales organisations syndicales indiennes ont organisé ce matin à New Delhi une conférence de presse où elles ont tenu des propos extrêmement durs à l’encontre du gouvernement français. Elles ont également annoncé qu’elles mèneraient des actions de protestation pour empêcher l’accès du Clemenceau dans les eaux territoriales indiennes.
« La manière dont le gouvernement français a menti aux autorités indiennes sur le tonnages global d’amiante et les quantités de produits toxiques présentes à l’intérieur du Clemenceau est abominable. Plus grave, les autorités n’ont pas mené d’inventaires préalables avant les travaux. Une procédure pourtant obligatoire dans le cadre de la convention de Bâle et de la législation indienne » a indiqué PK Ganguly, responsable du CITU.
« Le gouvernement français a délibérément menti aux autorités égyptiennes en leur présentant de vieux documents afin d’obtenir le passage dans leurs eaux territoriales. Nous ne laisserons pas ce bateau entrer dans les eaux indiennes avant qu’une décontamination préalable ne soit faite et que les informations concernant la réelle toxicité du navire soient rendues publiques », a rajouté le responsable.
« La structure du bateau est composée d’un cocktail de produits chimiques incluant de l’amiante et des PCP auquel seront exposés nos travailleurs qui participeront au démantèlement du navire à Alang, explique H Mahadevan responsable de l’AITUC. Nous sommes particulièrement concernés par leur sécurité et leur santé. Nous demandons donc par conséquent que le bateau soit décontaminé en France avant qu’un tiers n’examine la coque avant de le laisser entrer dans les eaux territoriales ».
Dans une lettre adressée au premier ministre Mr Manmohan Singh le 14 janvier dernier, les organisations lui ont demandé d’intervenir urgemment dans ce dossier. « Le gouvernement indien peut-il rester silencieux sur la manière dont l’on joue avec la santé et la vie de ses ouvriers ? La santé et la vie des ouvriers de ce pays pèsent-elles si peu pour son gouvernement ? » s’est interrogé D Thankappan, responsable du NTUI.
Le Clemenceau est mort : le ministère de la défense travaille à ce qu’il fasse de nouvelles victimes !
02 février 2006
Paris, France - Alors qu’en Inde la plupart des syndicats de travailleurs réclament le retour du Clemenceau en France, l’Etat français, à travers son ministère de la défense, continue d’afficher le plus profond cynisme sur ce dossier. C’est pourquoi une vingtaine d’activistes de Greenpeace ont participé à un die-in devant le ministère de la défense alors que s’y tennait le point presse de son porte parole. Revêtus de combinaisons blanches marquées du message « l’amiante tue » et d’un drapeau indien, ils veulent symboliser l’évidence : le Clemenceau est mort mais l’Etat français se moque qu’il fasse de nouvelles victimes.
« Nous sommes là pour dénoncer la gestion froide et cynique de ce dossier par le ministère de la défense. Ce n’est qu’exercices de communication, de pseudo annonces, de non-réponses sur les questions de fond » déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France. « La réalité de la politique française sur ce dossier, c’est le mépris pour les travailleurs indiens, la violation du droit international, la négation du droit à l’information défendu par le TGI de Versailles ! »
« Les syndicats de travailleurs en Inde et en France rappellent que le besoin vital de travailler se justifie en rien que les droits du travail, la santé, la sécurité et l’environnement des travailleurs soient bafoués. Comme l’opinion publique, ils sont mobilisés pour que ce poison flottant n’arrive pas en Inde » ajoute Yannick Jadot. « Interpellé il y a deux semaines par les victimes de l’amiante, le Président de la République Jacques Chirac ne s’est toujours pas exprimé sur ce scandale. Quelles valeurs incarnera-t-il lors de son voyage officiel en Inde ? »
D’autre part, la Commission européenne vient d’annoncer qu’elle enquête sur la légalité de l’envoi du Clemenceau en Inde et va donc très rapidement demander des explications formelles au gouvernement français. La Commission européenne précise que si la France donne des explications jugées insuffisantes, elle s’exposerait à une saisine de la cour européenne de Justice et donc à d’éventuelles sanctions. Elle rajoute que l’envoi du Clemenceau pourrait constituer une infraction à la législation sur le transports des déchets dangereux.
Cette enquête européenne renforce la demande de Greenpeace : La France doit respecter la convention de Bâle. Pour cela, elle doit rapatrier le Clemenceau afin qu’il soit désamianter en France.
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La vérité et la démocratie : nouvelles victimes du Clemenceau
27 janvier 2006
Paris, France - Alors que Tribunal de Grande Instance de Versailles avait décidé, le 11 janvier dernier, la désignation de deux experts indépendants pour procéder à une expertise des quantités d’amiante à bord du Clemenceau, l’Etat vient d’assigner les associations Andeva, Ban Asbestos, Comité anti-amiante Jussieu et Greenpeace en référé d’heure en heure pour suspendre la procédure d’expertise et museler ainsi la justice et empêcher qu’émerge toute vérité. L’audience se tiendra le 31 janvier à 10 heures au TGI de Versailles.
Après avoir engagé le 24 janvier une procédure de tierce opposition pour annuler la décision du TGI, l’Etat français, avec cette nouvelle assignation, attaque de nouveau pour suspendre la procédure en cours et le travail des deux experts.
« Que l’Etat cherche à cacher la vérité dans ce dossier de la honte n’est pas surprenant tant il a failli en tout, mais, ne reculant devant aucun ridicule ni aucune bassesse, il engage désormais un travail de désinformation » déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France.
Qu’on en juge : alors que les associations avaient eu recours à la justice pour demander la communication des pièces sur la base desquelles la société Technopure déclare qu’il y a plus de 500 tonnes d’amiante à bord du Clemenceau, l’Etat les accuse de recourir à la justice « en catimini » et de « chercher à faire une présentation partielle et pour le moins controversée de la réalité ». Heureusement pour l’Etat français que le ridicule est moins toxique que l’amiante.
« L’Etat dit 45 tonnes d’amiante, Technopure au moins 500 tonnes et la recherche de la vérité devient un délit ! C’est tout simplement le monde à l’envers. Que l’Etat rende publiques l’ensemble des pièces de ce dossier nauséabond et que la vérité sorte. Elle révélera l’impréparation, le cynisme et l’amateurisme du ministère de la défense. Que celui-ci abhorre la transparence, les contrepouvoirs et la vérité n’est pas particulièrement surprenant. Que le premier ministre et le président de la république valident une telle remise en cause de nos principes démocratiques est scandaleux, » ajoute Yannick Jadot.
« Il ne suffit pas au gouvernement français de violer le droit international et d’exposer criminellement les travailleurs indiens à nos déchets toxiques Il lui faut aussi museler la justice. Le scandale est tel que la vérité finira par éclater. Les protagonistes devront alors rendre des comptes » conclut-il.
Victimes et associations reçues à l’Elysée
20 janvier 2006
Paris, France - Ce vendredi à 15 heures, une délégation de victimes de l’amiante ayant travaillé sur les chantiers navals français et des représentants de l’ANDEVA, de Ban Asbestos, du Comité anti-amiante Jussieu, de la FIDH et de Greenpeace se sont présentés au Palais de l’Elysée pour rencontrer le Président de la République. 6 personnes sont actuellement reçues par le cabinet de l’Elysée et souhaitent ainsi informer pleinement le Président de la République des enjeux sanitaires, environnementaux et sociaux de l’exportation de l’ex porte-avions Clemenceau vers l’Inde. En outre, ils inviteront formellement Jacques Chirac à visiter les chantiers de démolition d’Alang lors du voyage officiel qu’il doit effectuer en Inde les 20 et 21 février prochains, afin qu’il constate de lui-même les conditions de travail extrêmement précaires des ouvriers indiens à qui la France a choisi de confier le démantèlement du Clemenceau.
L’exportation de l’ex porte-avions Clemenceau dans les chantiers de démolition d’Alang en Inde est devenue en France une affaire d’Etat, un scandale au niveau international. Nos organisations ne dénoncent pas seulement le caractère illégal d’une exportation qui viole les règles internationales, européennes et françaises concernant l’exportation et la gestion des déchets dangereux, les règles françaises relative à l’interdiction de l’amiante, ainsi que l’esprit et la lettre de la Charte de l’Environnement. Elles dénoncent le caractère moralement inacceptable du « transfert » de matériaux dont la toxicité n’est plus à démontrer vers des populations vulnérables et non protégées.