« Dramatisation », « surévaluation des risques », « désinformation », « politique terroriste et irrationnelle » : la pandémie de grippe H1N1 a cédé la place aux critiques et commissions d’enquête sur la gestion de la crise par le gouvernement.
« La démesure a été une des caractéristiques de cette campagne », a estimé le Pr Marc Gentilini, de l’Académie de médecine, pour qui la crise se termine en « fiasco politique » et en « bouffonnerie ». Il évoque « des groupes de pression affolants », notamment à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des épidémiologistes « terroristes », une logistique « beaucoup trop lourde »...
Les autorités sanitaires ont certes employé les grands moyens : mise en place d’une cellule interministérielle de crise pilotée par le ministère de l’intérieur, planning de vaccinations massives, ouverture de centaines de centres de vaccination sur tout le territoire, achat de vaccins par dizaines de millions, élargissement de l’usage d’antiviraux.
L’alarmisme était de mise. Le virus « est une sorte de loterie sinistre », avec des jeunes gens qui peuvent mourir « de façon fulminante », affirmait la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, lançant : « Des gens vont mourir parce qu’ils n’auront pas été vaccinés ».
Alors qu’on approchait du pic de l’épidémie, elle martelait que les pandémies grippales se déroulaient le plus souvent en plusieurs vagues et que « les dernières étaient en général plus virulentes que les premières ».
Les commandes de vaccins ont été rapides et massives (94 millions de doses), avant que l’Agence européenne du médicament établisse en novembre qu’une seule dose suffisait. Le gouvernement a dû annuler plus de la moitié des commandes, et devrait payer des compensations. Restent aussi à gérer d’importants stocks de masques et d’antiviraux.
Début janvier, tout en annonçant qu’elle résiliait la moitié des commandes, la ministre s’est défendue d’en faire « trop ou pas assez ». « Je le dis clairement, il faut pratiquer le principe de précaution ».
La « bataille » orchestrée contre le virus, nourrie du souvenir cuisant de la canicule de 2003 où le gouvernement avait traîné à mettre en route un plan d’urgence, est apparue en décalage par rapport à une pandémie finalement nettement moins virulente qu’on aurait pu le craindre.
La campagne de vaccination a exclu d’entrée les médecins de famille qui auraient pu persuader leurs patients de se faire vacciner. Contre-productive, elle a suscité la méfiance de la population, qui s’est montrée sensible à toutes les rumeurs.
Pour le Pr Gentilini, qui craint « que ces erreurs graves ne portent préjudice au concept de vaccination », il faut « tirer des leçons de la crise pour ne pas recommencer ». « Je suis pour la vaccination, le principe de la vaccination est remarquable, mais pas n’importe comment. »
Des députés socialistes ont craint aussi une « perte de confiance » de la population et des « séquelles » en matière de santé publique. Les experts sur lesquels s’appuyaient les autorités sanitaires ont été mis en cause, et les sénateurs communistes et du Parti de gauche ont demandé une commission d’enquête sur leurs « liens incestueux » avec les laboratoires.
Une autre commission d’enquête a été demandée à l’Assemblée nationale, « pour faire le point ».
Mme Bachelot s’est déjà fortement défendue devant les députés, le 12 janvier, opposant la « dangereuse sophistique » et l’impact « politiquement destructeur » des procès d’intention à son discours « de sagesse et de précaution ».