Quand on parle de “ mouvement altermondialiste ”, cela donne une vision trop homogène, car, en réalité, les forces motrices inscrites dans le processus des forums sociaux sont extrêmement diverses. Elles ont en commun une expression - “ un autre monde, une autre Europe sont possibles ” - mais, entre des nouveaux mouvements sociaux, des syndicats traditionnels, des associations très anciennes et les militants des différentes organisations politiques de la gauche, il n’y a ni structuration ni base programmatique commune. Le mot “ altermondialisme ” ne doit pas cacher la forêt. Si on ne comprend la grande diversité du mouvement, on passe à côté de l’essentiel : on se trouve face à un puzzle qui se recompose en permanence, qui s’élargit quand ça va bien. Quand, en France, de bons esprits décrètent que le forum social s’essouffle, ils tapent à côté de la plaque. La véritable question, c’est de savoir si le FSE, qui est un espace, est capable d’évoluer pour être utile à chaque moment. À mon avis, oui. Ce que nous voyons ici à Athènes m’encourage à le penser : même s’ils n’en sont pas les architectes, les jeunes, pour ne prendre qu’un exemple, participent massivement au FSE.
Depuis un an et demi, les choses évoluent en Europe : le nouveau climat est surdéterminé par le “ non ” au référendum sur la constitution européenne. La lutte contre le CPE a suscité des mouvements de solidarité dans plusieurs pays. Ces deux exemples ont favorisé la démonstration en Europe que le rassemblement antilibéral de grande ampleur pouvait être victorieux. Dans ces conditions nouvelles, comment réussir à impulser de véritables dynamiques européennes ? On ne pourra pas les construire d’en haut par un “ appel des sages ” du mouvement altermondialiste. Le processus est complexe et lent, cela peut agacer, mais on ne pourra avancer que par une élaboration collective dans la diversité. Les questions politiques déboulent en force dans le forum et ce ne sont pas les organisations politiques qui les imposent. Cela correspond à une recherche d’efficacité : après le rejet de la constitution et le mouvement contre la précarité, on doit nécessairement essayer de franchir cette nouvelle étape.