Le gouvernement a bel et bien agréé l’accord Unedic du 22 mars dernier. Cet agrément est donc officiel depuis le 26 juin, onze ans jour pour jour après l’agrément par la droite du protocole Unedic sur l’assurance chômage des intermittents. La date est un symbole...
Cette date dit parfaitement la continuité entre les gouvernements. À l’époque, en 2003, le PS contestait l’accord, et promettait de revenir sur ses dispositions scandaleuses qui ont précarisé, les années suivantes, des milliers d’intermittentEs. La nouvelle convention signée le 22 mars, entre le Medef, la CFDT, FO et la CFTC, entérine pourtant la casse de 2003 et l’aggrave. Elle s’applique à partir du 1er juillet.
L’unité de la mobilisation contre la division
La tactique de Valls est grossière. Il feint de croire que ce mouvement a pour seul objet la question du régime d’indemnisation chômage des intermittentEs. Pourtant, la mobilisation est sans ambiguïté. Elle défend des « droits sociaux » et porte sur l’ensemble de l’accord Unedic, c’est-à-dire les dispositions spécifiques aux intermittentEs mais aussi les atteintes portées aux autres précaires (l’annexe 4 qui concerne les intérimaires, par exemple) jusqu’à l’introduction des « Droits rechargeables ». Le mouvement n’est donc pas celui des seuls intermittentEs, mais aussi des chômeurEs et des précaires.
Face à cela, le gouvernement a opté pour la division. C’est que la perspective de l’annulation des festivals d’été par la grève a semé la panique. Les maires des villes concernées, entre autres, se sont inquiétés des très fortes pertes économiques que cela engendrerait. Dans la précipitation, après avoir nommé un médiateur, jeudi 19 juin, Valls a tenté de circonscrire l’incendie avec quelques annonces concernant exclusivement les intermittentEs : l’ouverture d’une grande concertation à laquelle l’État participerait et la prise en charge par l’État, jusqu’à la fin des négociations, d’une disposition scandaleuse de l’accord (reconnaissant par là son injustice et portant un coup inadmissible à la solidarité interprofessionnelle).
La lutte s’amplifie et se radicalise
La parade tentée par Valls n’a pas fonctionné. Quelques voix d’artistes proches de la majorité comme Jean-Michel Ribes ou Ariane Mnouchkine ont certes joué leur rôle : ils se sont félicités des avancées de cette gauche si sensible aux préoccupations du monde de la culture et ont appelé à suspendre la lutte à laquelle ils ne participaient que très modérément ! Mais le leurre n’a pas pris. Le mouvement n’a pas faibli.
La tendance à l’amplification et à la radicalisation s’est poursuivie. Chaque jour, des AG se réunissent, des actions (sensibilisations, occupations, blocages) ont lieu, ciblant des lieux symboliques : sièges du PS ou du Medef, par exemple. Des équipes et des festivals ont fait le choix de la grève, suivant en cela le mouvement initié par le festival « Le Printemps des comédiens » à Montpellier en grève du 3 au 29 juin... Les configurations sont chaque fois différentes, la décision de faire grève confrontée aux difficultés propres aux secteurs précaires. Et si elles ont été parfois source de tensions, jusqu’à présent le souci de l’unité du mouvement a prévalu.
Un été de contestation politique
Cette mobilisation dure depuis plusieurs mois désormais. Caricaturée (les intermittentEs seraient des « privilégiéEs »), présentée partiellement, elle ne cesse de mettre en échec tous les pronostics qui l’annoncent bientôt morte ou à bout de souffle. C’est qu’elle est puissamment politique : le travail expert des militantEs a mis en lumière le projet idéologique qui anime le patronat, secondé par le PS. Cette conscience des enjeux (« ce que nous défendons, nous le défendons pour tous » disent les intermittentEs et les précaires) a pour conséquence une vraie radicalité : face au pouvoir, c’est bel et bien une épreuve de force qu’il faut engager et c’est cela qui se discute dans les AG.
Une coordination nationale s’est réuni, à Avignon, les 2 et 3 juillet. Le vendredi 4 juillet, la CGT a déposé un préavis de grève. Le souvenir de l’annulation de festivals en 2003 est encore vif. La perspective d’une grève cet été est réellement discutée et envisagée. L’agrément de l’accord Unedic, les tentatives de diversion de Valls, loin d’abattre ou de diviser, ont aiguisé la certitude que seule une lutte d’ampleur et acharnée peut mettre en échec le projet de guerre sociale du gouvernement PS/Medef contre les plus pauvres. Le débat est en cours sur la manière la plus juste d’articuler efficacité, unité et radicalité.
L’été promet d’être socialement agité.
Olivier Neveux