C’est une des organisations humanitaires les plus importantes du monde. “Elle a obtenu le prix Nobel pour la paix en 1999, et fournit de l’aide médicale d’urgence à des personnes dans le besoin vivant dans les pays plus pauvres et dans des zones de conflit”, rappelle The Guardian. Et pourtant. Comme l’explique le quotidien londonien, la célèbre ONG française aurait aussi une face sombre, puisque “1 000 membres ou anciens membre de son staff ont accusé MSF de ne pas reconnaître l’étendue du racisme perpétué par ses politiques, ses pratiques d’embauche, sa culture d’entreprise et ses programmes déshumanisants dirigés par une minorité blanche privilégiée”.
Ce qui est contesté à MSF, c’est avant tout une structure hiérarchique qui concentre le pouvoir dans les pays occidentaux, détaille le journal anglais, qui avance quelques chiffres :
“L’année dernière, MSF employait 65 000 personnes, dont environ 90 % ont été embauchées localement. Cependant, la plupart de ses opérations sont dirigées par des cadres supérieurs européens. Par ailleurs on compte cinq centres opérationnels en Europe occidentale, contre un seul situé dans les pays du Sud, au Sénégal, qui a ouvert l’année dernière.”
Un système d’embauches à deux vitesses
Une structure du pouvoir trop verticale donc, dénonce le Guardian, en s’appuyant également sur de nombreux témoignages. Parmi ceux-ci, celui de Padma Priya, une ancienne manageuse de Médecins sans frontières à Delhi. “Il y avait un sentiment constant qu’ils avaient besoin du staff ‘local’ pour faire avancer les choses, affirme-t-elle. Mais à part ça, ils se sentaient meilleurs que nous. C’était très fatigant.”
Une sorte de système de “castes”, difficile à renverser, puisque, comme l’affirme un autre témoin anonyme : “Essayer d’aider un membre du personnel national à postuler pour un emploi en tant que membre du personnel international est le processus le plus fastidieux, le plus injuste et le plus frustrant que j’aie jamais subi.” Parfois, dénonce un autre membre, “des personnes à peine sorties de l’université étaient embauchées pour superviser du staff comptabilisant 10 ou 20 ans d’expérience”.
En conclusion, “la lettre appelle à une enquête indépendante sur le racisme au sein de l’organisation et à une réforme urgente afin de démanteler ‘des décennies de pouvoir et de paternalisme’.”
“Apporter le processus décisionnel au plus près des besoins”
Pas de quoi impressionner Christos Christou, le président international de MSF, qui a déclaré qu’il considérait cette lettre ouverte “comme une opportunité qui est née d’un événement tragique [la mort de George Floyd et le mouvement antiraciste qui a suivi], qui a déclenché la rage et la discussion au sein de notre mouvement”.
Ainsi, indique le quotidien britannique, l’homme serait déjà sur le pied de guerre pour affronter le problème de la “verticalité” excessive de l’ONG qu’il dirige :
“Notre priorité, c’est d’apporter le processus décisionnel au plus près des besoins et d’impliquer davantage les patients et la communauté dans la conception des stratégies d’intervention. Il faut aussi réduire le pouvoir de décision de l’Europe et le redistribuer au reste du monde.”
The Guardian
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