• Qu’est-ce qui vous a motivés à faire grève ?
Abdel - C’est notre premier conflit dans cette usine récente, détachée de Peugeot il y a six ans. 500 salariés jeunes, dont 100 intérimaires, travaillent en 3/8. Le travail est pénible, pour un salaire minable, un peu plus de 1 000 euros. La grève a démarré dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 mars, à la suite des négociations sur les salaires. La direction ne veut pas lâcher plus de 1,6 % d’augmentation. CGC, CFTC, CFDT, FO ont signé cet accord, contrairement à la CGT et à SUD. L’équipe de nuit, furieuse, décide d’arrêter le travail, rejointe par l’équipe du matin. Elle établit les revendications : 50 euros d’augmentation, primes à 100 euros, treizième mois.
• Comment a réagi la direction ?
Fabrice - Dès le premier jour, la direction s’est organisée : descente des directeurs de Nanterre, pressions de toute sorte auprès des salariés, discours sur l’illégalité de la grève, menaces, sanctions. La confiance règne parmi les grévistes, d’autant que nous avons eu la visite d’Olivier Besancenot.
Batoul - Lundi 2 avril, une véritable milice nous attend : vigiles imp-ressionnants, avec chiens policiers, menottes, gants de fer... Certains, à n’en pas douter, voulaient casser du gréviste. Ils nous ont cantonnés à l’extérieur de l’usine. On n’a pas eu d’autre choix que d’aller tous ensemble interpeller les travailleurs restés à l’intérieur. On n’avait pas imaginé l’accès de violence que notre décision entraînerait : les vigiles nous ont alors coincés dans les portes coulissantes pour nous empêcher d’entrer. L’un m’a pris pour cible et m’a donné un coup « bien placé » à la poitrine, j’en ai eu le souffle coupé. J’avais si mal que je ne pouvais me tenir debout, et on a dû m’emmener aux urgences. Diagnostic : traumatisme thoracique.
• À ce stade-là, qu’avez-vous fait ?
Fabrice - Les grévistes étaient en état de choc. Pour éviter de nous diviser entre ceux qui voulaient aller jusqu’au bout et les autres, nous avons décidé, majoritairement, de suspendre l’action, si la direction signait l’arrêt des sanctions prononcées et l’absence de toute poursuite. Ce qu’elle a fait ! Nous avons repris le travail, sans être démoralisés, mais avec la conscience que la partie va être rude.
• Y aura-t-il des suites ?
Abdel - La CGT a porté plainte pour entrave au droit de grève et coups et blessures. SUD va faire de même. Mais la direction, en dépit de l’accord de fin de conflit, semble vouloir poursuivre trois camarades qu’elle a dans le collimateur et, peut-être, Batoul. Elle ne lâche pas prise. Nous avons intérêt à rester unis face à un tel déploiement de haine. On a certainement dû lui faire très peur. Ce n’est que partie remise.