Comme partout, c’est à la suite de l’application du projet dit « Terrain » (réduction d’emplois, hausse de productivité), que les bureaux de poste se retrouvent exsangues pour assurer leurs missions. À Marseille, comme l’explique Dominique Boyer, secrétaire départementale de SUD-PTT, on n’hésite pas à les fermer à certains moments de la journée.
• Comment cette lutte a-t-elle démarré ?
Dominique Boyer - L’élément déclencheur a été la restructuration, qui supprime des bureaux de plein exercice et des emplois : plus de 200 suppressions d’emplois sur 232 bureaux. La situation est très tendue. Mais, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est une directive de La Poste, qui mettait fin à l’embauche de contractuels pour palier les absences des agents en congés. Les bureaux se débrouillent avec un « volant de remplacement » maintenu ici à 20 % (plus que la règle nationale de 15 %), grâce aux luttes, pour pallier les absences. L’été, nous avions recours en plus aux CDD. Et c’est terminé. Les chefs d’établissement sont obligés de fermer carrément les bureaux, faute de personnel, parfois les après-midi. Les usagers se retrouvent face à des portes closes ! Ailleurs, on ferme un bureau « satel-lite », et on rabat le personnel sur le bureau central. La moyenne des files d’attente est de 45 minutes.
• Pourquoi faire des grèves tournantes ?
D. Boyer - Lors des grèves classiques, il est difficile de maintenir une solide organisation sur la durée et la grève s’affaiblit. Faire circuler l’information sur 232 bureaux, ce n’est pas simple. Nous avons donc imaginé une autre stratégie. Avec tous les syndicats (SUD, CGT, CFDT, CGC, FO), nous avons décidé une grève tournante par groupement postal (environ 20 à 35 bureaux de poste), qui sont au nombre de sept dans les Bouches-du-Rhône. Nous partons en grève illimitée tous les lundis, sur un des groupements puis sur l’autre, etc. Sur le plan de l’organisation de la grève, c’est plus simple à « couvrir ». Nous avons démarré le 13 mars, avec 80 % de grévistes. Cette semaine, c’est la grève sur le 7e groupement. L’association Vive les services publics, qui fait partie de la Convergence des services publics, nous aide à populariser le mouvement.
• Qu’avez-vous obtenu ?
D. Boyer - Des avancées significatives, mais pas sur l’emploi. D’abord, des comblements de vacances d’emplois et le remplacement d’absences longues. Surtout, à la place de dix-huit CDD qui devaient être embauchés, nous avons obtenu 42 CDI, donc une « déprécarisation ». En revanche, aucun vrai emploi supplémentaire et statutaire. Ces avancées ont lézardé le front syndical, qui se maintient avec SUD et la CGT (soit 80 % aux élections). Il y a une radicalisation du conflit. La direction de La Poste ne reçoit plus les syndicats. Après sept semaines de grève tournante, nous avons décidé, avec la CGT, de partir en grève totale le 9 mai, mais sur tout le département.