Le 4 octobre, à Bichkek, capitale du Kirghizistan, “au cours d’une opération spéciale, le voleur récidiviste Kamchybek Kolbaev a été liquidé”, et ses “coéquipiers arrêtés”, informe le site kirghiz 24.kg.
C’est “la première fois que les services spéciaux agissent vraiment contre le crime organisé, non seulement au Kirghizistan, mais aussi dans la Communauté des États indépendants [CEI, l’organisation intergouvernementale regroupant les anciennes républiques soviétiques]”, souligne l’expert kirghiz Igor Chestakov sur le site kazakh Tengri News. Selon lui, “la liquidation de Kolbaev a été une surprise totale pour la société kirghize”.
Né en 1974 au Kirghizistan, le jeune Kolbaev était doué pour les sports de combat. Mais, au lieu d’embrasser une carrière sportive, il a été “aspiré par le milieu criminel […], comme beaucoup de jeunes hommes dans les années 1990”, relate le site russe sur l’Asie centrale Fergana Agency.
En 2008, à Moscou, Kolbaev a été couronné “voleur dans la loi” (en russe : vory v zakone), devenant le “premier Kirghiz” à obtenir ce titre hérité des milieux de la pègre de l’époque soviétique qui signifie que l’impétrant adopte la “loi” et “l’éthique” du milieu. Jamais emprisonné pendant très longtemps, il a déployé ses talents dans de nombreux domaines, “jusqu’aux braquages et au trafic de drogues”, poursuit Fergana Agency. Kolbaev “levait le tribut auprès d’hommes d’affaires, de prisonniers et d’autres gangsters, gérant ainsi ce que l’on appelle la ‘caisse des voleurs’”.
Les États-Unis offraient 5 millions de dollars
Recherché même par les États-Unis, “qui offraient, en 2021, 5 millions de dollars pour toute information sur lui”, il a réussi à amasser une fortune impressionnante, “estimée à 1 milliard de dollars”, selon Fergana Agency, “près de 10 milliards”, pour le quotidien kirghiz Vetcherny Bichkek.
Selon le Comité de sécurité national, parmi les centaines de biens saisis de Kolbaev on dénombre “850 biens immobiliers, dont des restaurants, des manoirs et des écuries, 60 voitures de luxe et de nombreux bijoux”, rapporte le site kirghiz Aktchabar. Un objet de luxe est “particulièrement impressionnant”, s’étonne Fergana Agency : une couronne d’or et de diamants portant les initiales K. K., d’une valeur estimée à 500 000 dollars. La recherche “des ‘trésors’ du récidiviste assassiné” se poursuit, cependant, “notamment au Kazakhstan, aux Émirats arabes unis, au Japon, en Turquie, en Géorgie et en Russie”.
L’effet dissuasif de cette opération a été saisissant : “Des leaders du crime organisé ont, l’un après l’autre, par des vidéos postées sur les réseaux sociaux, annoncé la cessation de leurs activités criminelles et promis de respecter les lois du Kirghizistan”, rapporte Fergana Agency. Interrogé par ce média, le journaliste kirghiz Oulougbek Babakoulov ironise : “Ils se rendent compte qu’il vaut mieux être un homme ordinaire vivant qu’un voyou mort.”
Le crime organisé règne sans partage
“Jusqu’à récemment, la lutte contre la criminalité organisée se limitait à des discours et des slogans. Cette fois, elle a enfin pris une forme réelle, concrète et efficace”, se réjouit Vetcherny Bichkek. Selon le titre, “le crime organisé s’est emparé de toutes les sphères de la vie du Kirghizistan, devenu un pays où la criminalité règne sans partage”.
“Les autorités kirghizes flirtaient depuis trop longtemps avec les voyous, les voleurs, les racketteurs et les voleurs de tout poil. Il est temps de prendre les mesures les plus sévères. Sinon, nous perdrons le pays.”
L’homme fort des opérations en cours, Kamchybek Tachiev, chef du Comité de sécurité national, se montre inflexible. Il a d’abord “exhorté les hommes d’affaires, les investisseurs étrangers, les restaurateurs et les propriétaires de marchés et commerces à ne pas donner d’argent aux membres des groupes du crime organisé”, rapporte 24.kg. Puis, il a averti : “Dorénavant, ceux qui donnent de l’argent aux criminels, et ceux qui extorquent par la menace seront punis. Il n’y aura plus de milieu criminel ni de caisses criminelles au Kirghizistan.”
Chestakov explique, sur Tengri News, qu’une “décriminalisation de la politique” est en cours au Kirghizistan, pays où le monde politique est souvent “de connivence avec les ‘autorités criminelles’”. Il est toutefois trop tôt pour crier victoire, affirme dans Fergana Agency l’ancien Premier ministre du Kirghizistan Felix Koulov, car, à coup sûr, “certaines personnes seront prêtes à prendre la place du défunt [Kolbaev]”. Le journaliste Babakoulov est plus confiant : “La lutte acharnée des autorités contre le crime organisé continuera”. Il est désormais permis de “croire en un Kirghizistan débarrassé de sa pègre”.
Alda Engoian
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.