De la prison au palais présidentiel, le parcours est plutôt singulier pour Bassirou Diomaye Faye qui vient de remporter les élections présidentielles dès le premier tour avec plus de 54 % des voix, fait unique dans l’histoire du Sénégal.
Continuité politique
Le pays a connu deux grandes périodes politiques, celle des gouvernements du parti socialiste avec Senghor puis Abdou Diouf, puis celle des libéraux avec Abdoulaye Wade et Macky Sall. Au-delà des étiquettes politiques, les politiques menées ont été les mêmes. Un présidentialisme fort qui n’hésitait pas, lors de crises sociale ou politique, à user d’une répression violente contre les opposantEs engendrant des morts et des emprisonnements. Des attaques contre la presse. Une corruption qui a nourri un clientélisme sur lequel se sont fondés les pouvoirs successifs et qui servait aussi de justification pour écarter les adversaires politiques. Ce qui impliquait une justice aux ordres.
Le gouvernement de Macky Sall a pu faire illusion avec son plan Sénégal Émergent, se traduisant par le lancement de grands travaux comme le train régional express, la création d’un nouvel aéroport international ou l’édification d’une ville nouvelle à côté de la capitale Dakar. Mais cette orgie de béton a surtout profité aux plus nantis et n’a pas réduit la pauvreté qui touche plus de la moitié de la population, ni endigué le chômage endémique de la jeunesse.
Les limites d’un programme
C’est précisément cette jeunesse refusant un avenir sans perspectives, si ce n’est de se lancer dans une immigration aux dangers mortels, qui s’est mobilisée pour la victoire de Faye. Avec son mentor Ousmane Sonko la popularité de leur organisation le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) dissoute par Macky Sall, est d’avoir dénoncé la corruption des élites du pays.
Faye se qualifie lui-même de candidat antisystème et de rupture et promeut la souveraineté politique et économique du pays. Si le programme politique de Bassirou Diomaye Faye est particulièrement détaillé, il est aussi très technocratique et jamais n’apparaît la nécessité d’une participation citoyenne pour l’édification de ce nouvel ordre politique promis. Le fil conducteur reste de favoriser et développer les entreprises sénégalaises, vues comme sources du développement du pays. Bien que le futur président se soit exprimé pour une sortie du Sénégal du franc CFA, cette mesure, tout comme d’ailleurs la fermeture de la base militaire française, n’y figure pas.
La prise en compte des principales revendications des droits des femmes est absente et traduit une vision conservatrice de la société.
Les organisations de la gauche radicale qui ont soutenu la candidature de Faye peuvent s’appuyer sur cette mobilisation populaire pour peser en faveur d’une politique qui réponde aux aspirations et besoins des populations.
Paul Martial
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