Contrairement à ce que l’on peut penser, la Constitution yéménite serait l’une des plus équitables envers la femme dans les pays arabes. Selon un rapport publié en 2002 par le CEDAW, une convention onusienne visant à l’élimination de toute forme de discrimination envers les femmes, la constitution yéménite placerait les deux sexes sur le même pied d’égalité. Ce qui n’est pas le cas dans le code pénal qui, lui, favorise largement les hommes aux dépends de la gent féminine. L’exemple des crimes d’honneur est plus qu’éloquent ! Un homme découvrant la trahison de sa femme est autorisé à la tuer, sans états d’âmes. Le cas inverse est hors de question. Si selon la charia, les relations dans le couple doivent être gérées dans le respect mutuel, le statut personnel, pour sa part, cultive la discrimination envers les femmes et accentue leur dépendance vis-à-vis de l’homme. Ne serait-ce que pour sortir du domicile conjugal, une permission de l’époux est nécessaire. Mais le pire reste l’âge minimal du mariage, fixé à 15 ans, mais qui, dans plusieurs régions du pays, concerne des fillettes de 9 ans. Un point noir polémique qui suscite un grand débat au Yémen. Le pouvoir des coutumes et des traditions étant plus influent, les règles juridiques peinent à s’imposer dans une société profondément attachée à ses valeurs ancestrales.
Analphabétisme et compagnie
Résultat logique de ces pratiques, le Yémen connait une forte déscolarisation des petites filles qui génère fatalement un taux très élevé d’analphabétisme féminin. Il frôle les 70%. Autre conséquence de cette situation critique, la faible présence féminine sur le marché du travail. En 2006, elles ne représentaient que 37,5% des travailleurs de l’économie formelle et seulement 9,2% du secteur public formel. Doublement mal servies par le poids des traditions et par la discrimination sexuelle, 60% des femmes yéménites exercent toutefois un travail non rémunéré. Ce phénomène sévit spécialement dans les zones rurales qui enregistrent les plus forts taux de pauvreté et de mortalité infantile, qui, d’après le Programme de développement des Nations Unies, représente 70 enfants pour mille. Selon le rapport 2008 du PNUD, le Yémen caracole en tête des pays les plus pauvres du Moyen Orient. Il occupe le 153e rang sur 177. Une place défavorable et une situation économique inquiétantes qui se reflètent forcément sur la situation des segments les plus vulnérables de la société yéménite. Les femmes et les enfants, ces derniers souffrant, pour la moitié d’entre eux, de malnutrition.
Noces précoces
Retranchées dans leurs villages reculés, loin des grands débats et des tentatives de réforme de leur statut, les femmes du Yémen n’interviennent que rarement dans le processus du changement. C’était le cas de la petite Noujoud Ali, probablement la plus jeune divorcée dans le monde. Malgré son jeune âge, elle a été à l’origine de la promulgation de la loi votée pour protéger les petites filles. Du haut de ses dix ans, elle a dit non au mariage des fillettes yéménites. Mariée à un homme trois fois plus âgé qu’elle, Noujoud se sauve du foyer conjugal pour se réfugier au tribunal de Sanaa. Un acte courageux qui va lui valoir une victoire pour le moins surprenante. Elle y gagne sa liberté et déclenche par la même occasion un large mouvement de protestation doublé d’une forte prise de conscience. Noujoud est désormais l’« exemple » cité par les différentes associations yéménites dans les campagnes de sensibilisation menées en province.
Un cas d’école qui a eu le mérite d’encourager les autorités à évoquer la question des noces précoces. Selon un rapport du ministère des Affaires sociales yéménite publié en 2009, un quart des femmes yéménites se marie avant l’âge de 15 ans. Un âge très précoce pour constituer une famille et affronter les lourdes responsabilités qui s’en suivent. Fortement mobilisées, les activistes féministes usent de tous les moyens de pression pour réaliser un exploit mémorable en 2009 : le vote, au parlement yéménite, de l’augmentation de l’âge officiel du mariage, de 15 à 17 ans. Une réforme notable qui est toutefois largement contestée et décriée par les conservateurs. De leur côté, les activistes modernistes ne se font pas démonter pour autant. Ils persévèrent dans leur lutte contre ces freins au développement de la situation de la femme et du pays en général.
Hayat Kamal Idrissi