La très grande majorité des lépidoptères sont de mœurs nocturnes. En effet, même si les papillons de jours (Rhopalocères) sont bien connus, leur effectif ne représente pas plus de 5 % de l’ensemble des espèces (environ 5300 en France).
Deux inventaires parcellaires des lépidoptères sur le parc ont été publiés dans la revue Oreina, le premier avec Thierry Laugier en 2010 [1] et le second en 2017 [2].
Une comparaison avec un inventaire réalisé par Patrice Leraut du M.N.H.N. publié dans la revue Alexanor a mis en évidence un faible nombre d’espèces nocturnes relevées au Parc des Beaumonts. Ceci est essentiellement du à l’absence de « piégeage lumineux » effectué sur cette station.
En effet, beaucoup d’espèces nocturnes sont difficilement visibles au repos dans la journée. Il arrive quelquefois d’observer quelques imagos ou quelques chenilles, mais leur nombre reste très restreint.
Afin d’approfondir notre connaissance des Hétérocères, et grâce à l’appui logistique de Jérôme Barbut du M.N.H.N. nous avons pu disposer un piège lumineux sur le parc les 7 et 8 mai dernier.
La technique est la suivante : On place une lampe à vapeur de mercure alimentée par un groupe électrogène et un drap blanc qui sert de réflecteur et de support aux insectes attirés. La majorité des espèces qui volent de nuit se repèrent dans leur déplacement au moyen des radiations lumineuses ultraviolettes. Dans le cas des lampes à vapeur de mercure riche en radiations ultraviolettes, les imagos se rapprochent de la source lumineuse et viennent souvent se poser sur le drap. Cela permet de déterminer les espèces et éventuellement de les photographier. A la fin de la séance les imagos peuvent donc repartir dans la nature. Ne sont prélevés que les individus dont il est nécessaire de préparer les genitalia [organes de reproduction] pour assurer une détermination fiable.
La lampe a été allumée vers 22h le 7 mai et éteinte vers 0h 30 le 8 mai.
Malgré une température un peu fraîche et des journées précédentes maussades nous avons pu observer une vingtaine d’espèces. 6 espèces n’ayant pas été notées jusqu’à ce jour sont donc à ajouter à notre inventaire. Les noms scientifiques et français de ces 6 espèces sont en gras dans le tableau récapitulatif ci-dessous.
Liste des hétérocères observés le 7 mai 2019
Famille | nom latin | nom français |
---|---|---|
Drepanidae | Thyatira batis | La Batis |
Geometridae | Idaea subsericeata | l’Acidalie blanchâtre |
Idaea degeneraria | l’Acidalie dégénérée | |
Epirrhoe alternata | l’Alternée | |
Thera britannica | La Corythée anglaise | |
Chloroclystis v-ata | l’Eupithécie couronnée | |
Horisme vitalba | l’Horisme rayé | |
Horisme tersata | l’Horisme élégant | |
Menophra abruptaria | La Boarmie pétrifiée | |
Peribatodes rhomboidaria | La Boarmie rhomboïdale | |
Noctuidae | Autographa gamma | Le Gamma |
Craniophora ligustri | La Troënière | |
Viminia rumicis | La Noctuelle de la Patience | |
Acronicta psi | Le Psi | |
Phlogophora meticulosa | La Méticuleuse | |
Xestia c-nigrum | Le C-noir | |
Agrotis puta | La Noctuelle des Renouées | |
Agrotis ipsilon | La Noctuelle baignée | |
Hepialidae | Korscheltellus lupulinus | La Louvette |
Notodontidae | Harpyia milhauseri | Le Dragon |
Pyralidae | Pyrausta despicata | La Pyrale du Plantain |
Le Dragon Harpyia milhauseri appartenant à la famille des Notodontidae n’avait, selon le site Lepinet, pas encore été retrouvé sur le territoire du département de la Seine-Saint-Denis depuis très longtemps (1867). En effet cette espèce semblait rare jusqu’en 1940. L’entomologiste Bromberg a prouvé qu’avec l’utilisation de la lampe à vapeur de mercure cette espèce était bien attirée. Elle vole surtout d’avril à juin. La seconde génération qui vole de juillet à août est plus irrégulière. Les chenilles consomment les feuilles de chêne, de bouleau, de hêtre.
Le Dragon, Harpyia milhauseri, Parc des Beaumonts, 7 mai 2019. Cliché André Lantz.
La Corythée anglaise Thera brittanica est une espèce bivoltine. La première génération vole de mai à juin et la second de septembre à octobre. Les chenilles consomment les aiguilles de sapin, d’épicéas.
La Corythée anglaise, Thera brittanica , parc des Beaumonts, 7 mai 2019. Cliché André Lantz.
L’Eupithécie couronnée Chloroclystis v-ata est également une espèce bivoltine. Les deux générations peuvent se chevaucher et les imagos volent de mai à septembre. Chenilles sur diverses plantes basses.
Eupithécie couronnée chloroclystis-v-ata, parc des Beaumonts, 7 mai 2019. Cliché André Lantz.
La Troënière Craniophora ligustri est bien répandue et relativement commune. La première génération vole de mai à juin et la seconde de juillet à août. Les chenilles sont sur les Oléacées : troène, frêne, lilas.
La Troënière Craniophora ligustri ; Parc des Beaumonts, 7 mai 2019. Cliché André Lantz.
La Noctuelle des Renouées Agrotis puta se trouve même en zone urbanisée. Elle est bivoltine de mai à juillet et d’août à octobre. La chenille consomme diverses plantes basses.
La Noctuelle des Renouées Agrotis puta , Parc des Beaumonts, 7 mai 2019, cliché André Lantz.
La noctuelle baignée Agrotis ipsilon est une espèce commune y compris en zone urbanisée. On la trouve d’avril à novembre en plusieurs génération. La chenille consomme diverses plantes basses.
La méticuleuse, Phlogophora meticulosa, avait déjà été trouvée sur le parc. Cette espèce commune en zone urbanisée n’avait pu être photographiée. Cette noctuelle possède une caractéristique rare pour les lépidoptères. Elle peut replier une partie de ses ailes antérieures. C’est aussi une espèce bivoltine. La chenille est polyphage.
La méticuleuse, Phlogophora meticulosa venant de se poser sur le drap. Parc des Beaumonts, 7 mai 2019. Cliché André Lantz.
La méticuleuse, Phlogophora meticulosa ayant replié partiellement ses ailes antérieures, parc des Beaumonts, 7 mai 2019, cliché André Lantz.
Julien Norwood, enseigne le dessin naturaliste au MNHN et a pu illustrer cette belle espèce lors de cette séance d’observation nocturne.
La méticuleuse, Phlogophora meticulosa dessin de Julien Norwood.
Nous espérons réitérer cette procédure pour continuer à approfondir notre connaissance des hétérocères du Parc ds Beaumonts.
A. Lantz le 31 mai 2019.
Bibliographie :
Laugier (T.) & Lantz (A.) 2010. – Biodiversité en milieu urbain : le parc des Beaumonts (Seine-Saint-Denis), Oreina 11 : 30-36
Lantz (M.-A.) 2017. – Biodiversité en milieu urbain : Nouvel inventaire du parc des Beaumonts (Montreuil-sous-bois, Seine-Saint-Denis), Lepidoptera, Oreina 37 : 29-37
Leraut (P.J.A.), 2013. – Lépidoptères récemment observés dans les jardins du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, (Insecta Lepidoptera), Alexanor 26 : 71 -104