“Au monde : s’il vous plaît, aidez-nous à boycotter Red Bull et tous ses produits. Le fils du propriétaire s’en est sorti en toute impunité en Thaïlande.” Voici le genre de message, raconte The Nikkei Asian Review, que l’on pouvait lire sur Twitter en juillet. Depuis, “le hashtag #BoycottRedBull s’est répandu”.
Don't have to be good, be rich.#บอสอยู่วิทยา #บอสกระทิงแดง #BoycottRedBull
— บ้านหลังน้อยที่มีแมวเต็มไปหมด (@YFd0RmlI9vOXd5F) July 25, 2020
Jusqu’alors une fierté nationale, la marque de boissons énergisantes est devenue en Thaïlande un “symbole des inégalités”, mis en avant “dans les mouvements contre le gouvernement” en cours depuis mai dernier.
Au cœur de la polémique figure l’implication de Vorayuth Yoovidhya, surnommé “Boss”, petit-fils du fondateur de la marque, dans un accident de la route qui a causé la mort d’une personne, mais qui n’a jamais été jugé. En juillet dernier, l’annonce que toutes les charges avaient été levées contre lui avait attisé la colère d’une partie de la population. Selon The Nikkei Asian Review :
“Pour de nombreuses personnes, cette situation est un exemple du traitement particulier réservé aux plus riches.”
L’accident a eu lieu en 2012. Au volant de sa Ferrari, l’héritier aurait heurté, à l’aube, un motard de la police, avant de s’enfuir. Le policier est décédé quelques jours plus tard. Vorayuth a forcé l’un de ses domestiques à se rendre à la police à sa place, mais la manipulation a été vite découverte. Vorayuth a été détenu, mais libéré sous caution et a toujours refusé d’assister aux audiences. Il a fui le pays en 2017 à bord d’un jet privé, trois jours avant son arrestation.
Selon la police, il roulait à 170 km/h au moment du choc et était sous l’empire de l’alcool et de la cocaïne.
Sous la pression, le Premier ministre Prayuth Chan-ocha a annoncé qu’il “souhaitait que les citoyens ne perdent pas foi dans la justice et le pays. Il a promis également une nouvelle enquête dans ce dossier.”
La pression était d’autant plus forte sur lui que T.C. Pharmaceutical Industries, l’entreprise qui détient Red Bull en Thaïlande, est un donateur généreux du gouvernement.
Le 25 août, la police a annoncé qu’un nouveau mandant d’arrêt avait été émis contre Vorayuth Yoovidhya.
D’ailleurs, selon le Bangkok Post, la commission anticorruption de l’administration devrait mettre en œuvre les propositions faites par le groupe d’experts nommé par le gouvernement pour examiner les erreurs commises dans ce dossier.
Le groupe d’experts met notamment en cause des officiers de la police, des avocats, des membres de l’appareil judiciaire et des députés, et recommande des poursuites disciplinaires et pénales.
1 % de la population, 50 % de la richesse
Selon un sondage de l’institut Super Poll cité par The Nikkei Asian Review, 91 % des sondés disent leur défiance vis-à-vis du système judiciaire thaïlandais et 82 % estiment que l’incident impliquant Vorayuth est un motif de honte au niveau international.
Cette histoire illustre, selon le magazine, combien les écarts criants dans la société peuvent alimenter la colère. Le journal note que “selon une estimation du Crédit Suisse de 2019, 1 % de la population détient 50 % de la richesse nationale”. Ce qui place la Thaïlande “en deuxième position” des pays les plus inégalitaires du monde, “derrière la Russie”.
Courrier International
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